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lieux communs (et autres fadaises)
22 mars 2009

rice cooker

35 RHUMS
de Claire Denis

Certains films devraient être reconnus d'utilité publique, vu l'effet bienfaisant qu'ils produisent, et 35 rhums en fait partie (ils ne sont pas si nombreux, d'ailleurs.) C'est exactement ce dont j'avais besoin, l'autre soir, quelque chose de doux, d'apaisant...
Un conducteur de train, Lionel, sa fille, Joséphine, Noé, un jeune voisin, Gabrielle, une voisine,et René, un collègue de Lionel qui part à la retraite, voilà pour le microcosme humain de 35 rhums. Excepté René, tous habitent dans le même immeuble. Et s'aiment, chacun à sa façon. Le père et sa fille, la voisine et le père, le voisin et la fille, le père et le collègue... sans forcément le clamer haut et fort (le film n'est pas très bavard) ni l'exprimer explicitement.
Il est beaucoup question de trains, de voies ferrées, d'aiguillages, de trajets dans la nuit, dans un va-et-vient qui ressemble à la vie : le travail, le vestiaire, le trajet du retour, le rituel du soir (les pantoufles, la douche, le repas), et puis ça recommence. Avec des micro-événements : un vélo mal garé, une cigarette au balcon, un départ au concert, un chat mort... Oui, ça ressemble à la vie, et si, scénaristiquement, le film n'a rien (et c'est voulu) de remarquable ou de sensationnel, cinématographiquement, il est plein à ras-bord, d'humanité, de chaleur, de tendresse, de simplicité.
C'est filmé très simplement, sans affect, sans chichis, et c'est pourtant incroyablement beau. La force de l'évidence, de la simplicité (des lumières dans la nuit, deux portes au bout d'un couloir...) de la ville, de la vie, de ces personnages. Et l'on retrouve avec grand plaisir la tribu des habitués de  Claire Denis : Alex Descas (cet homme-là est parfaitement parfait) et Grégoire Colin (qu'on aura vu grandir, vieillir, au fil des films de Claire D.) le seul "intrus" en quelque sorte dans un choix chromatique, qui, dans un autre contexte, aurait pu prêter à sourire : ici, tout le monde est noir, de noir clair à noir noir, mais toutes ces belles personnes (ah, Joséphine, ah, Gabrielle, ah, Ruben...) ont une couleur de peau, qui, dans notre beau pays, ne les prédisposerait pas, hélas, aux meilleures destinées. Mais cette couleur ici est juste là, comme universelle, banale, anodine. Petites vies, comme les notres, petites histoires auxquelles on se doit d'être attentif, à l'écoute, dans cette chronique touchante, sensuelle, sensorielle, sensible...
Comment Joséphine prendra-t-elle son envol, et René sa retraite, et Lionel ses marques avec sa nouvelle vie, et Noé la décision de franchir enfin le pas... Chacun de nos amis ici à quelque chose à prendre. Et à donner aussi, tant le rapport aux autres est déterminant, prégnant, essentiel. Et la vie continuera...

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15 mars 2009

c'est comment qu'on freine

bashung

Je viens d'apprendre sa mort. Ca m'a fait quelque chose, vraiment... Beaucoup de souvenirs rattachés à beaucoup de ses chansons...

"Marcher sur l'eau, éviter les péages, jamais souffrir
juste faire hennir les chevaux du plaisir..."

(Osez Joséphine)

"Délaissant les grands axes j'ai pris la contre-allée..."
(Aucun express)

"Non y a pas l'feu au Q.G
Le feu au Q.G..."
(L'arrivée du tour)

"Volutes partent en fumée
Volutes font des nuées
dénuées de scrupules..."

(Volutes)

"Martine me dit je veux pas qu'on m'aime
Mais je veux quand même..."

(Martine boude)

"Bijou bijou, te réveille pas surtout
J'vais pas faire de bruit, juste un café et c'est tout..."

(Bijou bijou)

"Si tu me quittes est-ce que j'peux venir aussi ?
Encore une nuit sans Georges, encore une nuit sans Georges..."
(Camping jazz)

Gaby, (bien sûr), Lavabo, Martine boude, C'est comment qu'on freine, Les petits enfants (live), Toujours sur la ligne blanche (live), Bijou bijou (live), What's in a bird, Elégance, L'arrivée du tour (remix) , l'album Novice dans sa quasi-totalité, A perte de vue, Un âne plane, L'apiculteur, Osez Joséphine, Volutes, Madame rêve, Je passe pour une caravane, Aucun express, Hier à Sousse, Vénus, Je tuerai la pianiste...

Oui, ça m'fait quelque chose...

14 mars 2009

"nous sommes tous dans ces voitures..."

L'AUTRE
de Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic

Ce récit à quatre mains est comme enchassé entre deux séquences proprement sidérantes : la première, celle qui l'ouvre, est un ballet de lumières (nocturne, muet) qu'on n'identifiera qu'au bout d'un certain temps, et le seconde, qui le clôt, un bouleversant (parce que très simple) monologue de Dominique Blanc, sur fond d'humanité encore une fois nocturne. Entre les deux ? Deux coups de marteau (enfin, le même répété deux fois, le film comme ouvre et ferme des parenthèses), et l'histoire d'une femme qui dit à l'homme qui l'aime qu'ils devraient arrêter de se voir, qu'il devrait aller voir ailleurs, et qui, à partir du moment où l'homme en question lui annonce qu'il a rencontré quelqu'un, va n'avoir de cesse de savoir qui, et se mettre compulsivement (et maladivement) à la recherche de cette autre, qui lui ressemble, qui a le même âge qu'elle, qui lui a succédé, qui, au sens strict, a pris sa place... Oui, qui l'a remplacée.
Dominique Blanc (oh que je l'aime cette dame...) a amplement mérité son prix d'interprétation à Venise, tant elle est l'axe omniprésent autour duquel tout s'articule, tout s'agence, tout prend forme, puisque, par définition elle en est à la fois le centre et la périphérie, celle qui cherche et celle qu'on cherche, un genre de ligne d'horizon obsessionnelle, de point de fuite, d'asymptote. Avec un personnage peut-être très tourmenté, mais joué très simplement, sobrement, calmement. Il s'agirait ici plutôt de sous-jouer que l'inverse.
Attention, on n'est pas dans Liaison fatale, on serait plutôt, le plus possible, dans la réalité, la vraisemblance. Ou presque. Quelque part entre folie et fantastique. J'ai pensé (je ne saurais pas dire exactement pourquoi) plusieurs fois au très beau Vendredi soir de Claire Denis, et d'autres fois (les scènes du miroir et du papier-journal) à la claustrophobie finale du Bug de Friedkin. mais ce qui est certain c'est que les réalisateurs ont un univers aussi personnel (avec lequel, en ce qui me concerne, je suis totalement entré en résonnance) qu'extrêmement élaboré.
Un film essentiellement nocturne mais plein de lumière, de lumières. Lumières urbaines, phares, enseignes, lampadaires, balises, lumières de c'est beau la nuit une ville qui palpite, baignées souvent (la bande-son est superbe) de liquidités electroniques. Et cette femme qui marche sans fin, perdue dans la nuit, perdue dans sa nuit..

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13 mars 2009

la tête dans le sac

WELCOME
de Philippe Lioret

J'aime bien le cinéma de Philippe Lioret (et non pas Loiret comme j'ai entendu une jeune journaliste étourdie le prononcer...). Il y a la quelque chose d'intime, de sincère, de pudique, bref d'humain, comme j'aime. Et celui-là ne faillit (??) pas à la règle... J'y ai pleuré, plusieurs fois, au milieu, et bizarrement pas à la fin. Mais c'est un film qui reste longtemps dans la tête et dans le coeur, comme un sentiment diffus, une petite rythmique obstinée qui prendrait tout son temps pour redescendre à marée basse.
Un maître-nageur (Vincent Lindon, idéalement bourru mais virilement fragile, enfin, bref, encore une fois parfait pile-poil) vient en aide à un jeune Irakien qui veut traverser la Manche à la nage pour aller rejoindre sa bien-aimée.
Un maître-nageur en train de divorcer (ou de tenter de cicatriser une déchirure conjugale visiblement pas tout à fait désinfectée) et qui tente, peut-être, par ce biais, de reconquérir sa belle, une prof qui fait aussi dans le bénévolat humanitaire (elle distribue avec d'autres de la nourriture aux réfugiés de tout poil (!!!) qui viennent se casser le nez à l'entrée du port de Calais où  tombent en miettes leurs rêves britanniques et s'en font impitoyablement refouler.
Un maître-nageur jusque là sans souci qui va soudain mettre le nez dans la réalité assez nauséuse de la vie de ces sans-papiers, y tomber de haut et profond, et plonger à corps perdu dans une aventure humaine qui au départ le dépasse.
Car c'est bien d'humanité dont on parle. De chaleur humaine, de relations humaines, de proximité humaine.  Dans un monde où on s'aperçoit soudain qu'on peut être puni par la loi simplement parce qu'on a aidé son prochain. Dura lex sed lex ? voire...
Le réalisateur a l'extrême élégance de filmer  des personnages toujours en demi-teinte, personne n'est ni tout noir ni tout blanc, ni le maître-nageur au (soudain) grand coeur, ni le sans-papier qu'on héberge (mais qui a besoin de liquidités) , ni le flic en apparence "zélé" (mais qui réussit à nous sous-entendre que...), ni le jeune tourtereau (qui ne veut pas entendre la vérité...), etc.
Sur fond de plage grise et froide, de crépuscule crachineux, de voisins prompts à dénoncer, de vigiles "qui ont des ordres", bref, d'un monde  étrangement proche de celui dans lequel on est plongé jusqu'au cou, où le "welcome" paraphé sur un paillasson n'est plus qu'un mot vide de sens, un sourire fallacieux (faux-derche serait plus juste), une formule de politesse désuète et illusoire...

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8 mars 2009

le candidat

HARVEY MILK
de Gus Van Sant

Délaissant pour un temps ses expérimentation filmiques que j'aime tant (surtout Gerry) Guschounet nous livre ici la biographie mainstream d'un homme émouvant : Harvey Milk, le premier homme politique ouvertement gay des Etats-Unis (et qui a fait beaucoup pour la structuration de la communauté gay) assassiné politiquement en même temps que le maire de San-Francisco par un de ses pairs. La reconstitution est touchante (beaucoup de documents d'époque et quelques reconstitutions épiques), on y retrouve des noms et des dates qui ont fait mouche/tâche dans l'histoire du mouvement gay (la tristement célèbre Anita Bryant notamment), Sean Penn est très très bien (et ses copains/pines aussi) mais, étrangement ?, je suis un peu resté à distance, alors que, par exemple, mes voisins (hétéros) ont a-do-ré et l'ont fait d'ailleurs savoir à la sortie de la salle (à leurs copains qui les y avaient envoyés et s'excusaient de ce que le film fût en VO et qu'ils ne les en eussent pas prévenus).
C'est très bien, mais ce n'est pas très très bien,(vous saisissez la nuance ?) en ce qui me concerne. Utile, documenté, inattaquable, mais restant dans les limites du biopic.

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7 mars 2009

mobile home

FROZEN RIVER
De Courtney Hunt

Passer sans transition comme nous l'avons fait des moiteurs turques (ah, les papas en marcel blanc...) aux -35° annoncés de la frontière américano-canadienne pourrait s'avérer problématique pour tout être normalement constitué, mais c'est encore une fois la magie du cinéma qui nous a permis de nous en sortir indemnes.
Encore un polar, une histoire plutôt sombre, un film pas très guilleret (non décidément, ce n'était pas une soirée chapeaux pointus et langues de belle-mère!) mais deux approches très différentes de la narration. Autant Nuri B.C fait, d'une certaine façon, dans le lyrique (et, je le répète, j'adore ça), autant Courtney Hunt fait dans l'efficace, l'essentiel, le vital.
Dans un récit droit et sec (une blanche abandonnée par son mari joueur et qui a besoin de sous pour offrir à ses deux enfants le mobile home de leurs rêves collabore avec une jeune mohawk myope pour faire entrer  clandestinement et illégalement des immigrés aux States dans le coffre de sa voiture, mais la police veille...) qui file comme une bagnole sur un lac gelé (on n'a pas le temps de s'apesantir), la réalisatrice fait la part belle aux personnages, à leurs actes (à leurs choix et à leur conséquences). En plein hiver, en pleine mouise, mais avec une sacrée énergie qui fait chaud là. Et ça finit pratiquement plutôt bien d'ailleurs! Et puis la neige et tout ça, c'est tellement photogénique (on ne peut pas ne pas penser à un Fargo de sublime mémoire...)

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6 mars 2009

au plus près

LES TROIS SINGES
de Nuri Blige Ceylan

Quand j'avais vu la bande-annonce, il y a déjà longtemps, elle m'avait tiré quelques larmes tellement j'avais trouvé ça beau. Et le film le confirme. Plastiquement, esthétiquement, c'est une merveille. J'ai vu chacun des quatres films de Nurichounet (depuis Nuages de mai) , et je l'ai donc vu, en quelque sorte, grandir, cinématographiquement parlant. D'aucuns, esprits chagrins, lui reprocheront l'aspect pénible de cet esthétisme excessif. La tonalité d'ensemble, le grain de la pellicule, la composition des plans, tout participe à l'extrême beauté du film. Qu'ils lui reprocheront (les esprits chagrins) de privilégier au détriment d'une histoire somme toute banale et d'une intrigue plutôt mince.
Nuri Bilge Ceylan fait certes office de photographe, voire de plasticien (quand il filme les paysages en plan large autant qu'un corps au contraire en plan très rappoché), mais n'hésite pas à affirmer des choix tranchés en ce qui concerne la narration, privilégiant l'ellipse (son récit est plein de trous béants, de failles, qui obligent le spectateur à en reconstituer la trame, à être attentifs, et pas seulement à l'extrême beauté des images.), et sacrifiant sans état d'âme les "scènes à faire", au profit des "petits moments" qui les précèdent ou leur succèdent.
Un papa turc accepte d'endosser le crime de son patron. Pendant son séjour en prison, sa femme le trompe avec le patron en question. A sa sortie de prison, son fils règle le problème...
Un film lourd, tendu, orageux, avec heureusement une pluie bienvenue juste avant le générique de fin, alors que, ironiquement, l'histoire se répète...

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4 mars 2009

apocalypse no(uille)w

WATCHMEN (lES GARDIENS)
de Zach Snyder

Smiley au sourire un peu gêné : ben oui, euh... on ne peut pas aller voir des films géniaux tous les soirs, hein ? Donc, hier soir, justement, vu, en avant-première (et en VF of course) cette... joyeuse bourrinade de chez bourrin. Enfin, pas exactement tout à fait que, mais presque. Adaptée d'un roman graphique (on ne dit plus BD ou comic) de deux mecs, dont l'un refuse absolument qu'on évoque son nom tellement il a été heureux des précédentes adaptations de son oeuvre, voici une uchronie (on est en 85, mais Richard Nixon en est à son cinquième mandat), à propos de super héros à la retraite que quelqu'un commence à décimer (violemment) l'un après l'autre. Avec une menace de guerre atomique et de fin du monde.
Le mélange années cinquante/science-fiction (la ville est mi celle de Batman et mi celle de Dick Tracy) est assez intéressant. La violence graphique extrêmement BD en (et très réaliste question bruitages et ralentis) ravira certains (ça commence par une scène de bagarre puis meurtre plutôt sportive) mais devient un peu fatiguante à la longue (et le film fait 2h40!).
A part ça, ça en jette : décors chiadés, effets spéciaux peaufinés en Inde, structure narrative à double couche pour... ce qui restera pour moi comme le seul (et l'unique, sauf s'il y a un Watchmen 2) FAQBV (film à quéquette bleue visible, car un des personnages a cette teinte -non non ce n'est pas Super Grand Schtroumpf!-), et passe presque tout son temps à oilp (des fois il a un ptit slip moulant, mais quand il devient géant c'est un peu ridicule...) avec la zigounette (étirée façon image de synthèse ?) à l'air (mais bon il est souvent pudiquement cadré jusqu'au nombril, hein...). 
En plus le super-méchant (qui est en fait un super-gentil) s'est fait une tête de Lambert Wilson péroxydé, et se rend ridiculos dans un final grave tartignole.
Voilà, ça ne m'a pas enthousiasmé grave, mais, vous savez, bien , je ne suis qu'une 'tite chose fragile...

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3 mars 2009

"puceau suréduqué de 27 ans"

GRAN TORINO
de Clint Eastwood

Vacances cinochement intenses. Trop riches! A quelques jours d'intervalle, un second coup de coeur, dans un genre on ne peut plus diamétralement opposé à la jeunette Maïwenn : le vieux Clint himself ! Je l'aimais bien , jusque là, même si je n'étais pas un fan inconditionnel comme certain(e)s (...) mais là je dois dire que je suis béat : j'ai passé deux heures d'intense bonheur cinématographique, entier, total, sans recul et sans me poser de questions, juste à fond dans le film, avec des émotions jusque là. D'un bout à l'autre j'ai été dedans, sans faillir.
Et pourtant, au début, le vieux Clintounet, il nous charge bien la mule. Portrait d'un vieux con intégral, facho, grincheux, asocial, dont les seuls plaisrs sont de tondre sa pelouse, d'astiquer sa vieille (mais rutilante) bagnole et de ronchonner sur le monde en général et ses voisins en particulier. Il est l'un des derniers blancs à vouloir rester dans un quartier habité par les minorités ethniques, latino mais, en majorité, asiatique. Et le Clint acteur n'hésite pas à en faire des tonnes pour charger le Clint personnage : sourcils broussailleux, machoire serrée, oeil noir très noir, s'exprimant par borborygmes voire par grognements, rien ne manque au primate garanti 100% "gros con".
Le film démarre avec l'enterrement de sa femme, d'abord à l'église puis à la maison, occasion(s) d'un réjouissant tour d'horizon (sur sa famille) et du propriétaire (sur ses humeurs), dont le climax est l'arrivée du jeune prêtre qui a fait le sermon à l'église et qui souhaite confesser Clint (Walt, pardon), conformément à la promesse qu'il a faite à sa défunte femme avant son décès, et qui va se faire envoyer sur les roses, et pas de la plus civile des façons.
Walt a fait la guerre de Corée, et y est, comme qui dirait, resté coincé : autour de lui, à le croire, ce ne sont que niaks, bridés, faces de citron, et autres joyeusetés (allez, je vous en prie, boir le film en VO!). Car il tient bon, à son carré de pelouse racho et à sa terrasse défraîchie où il peut boire à loisir des bières (ricaines) sorties de la glacière (ricaines) en contemplant sa Gran Torino (ricaine) tout en ratiocinant tout son soul sur ces voisins qui lui pourrissent la vie par le seul fait d'être là. Le monde entier le fait chier, à commencer bien sûr par sa propre famille, alors ne venez pas lui parler de celle des voisins.
C'est pourtant ce qui va se passer lors d'un fâcheux concours de circonstances : la voisine, veuve, tente d'élever ses deux enfants : il y a Sue, une gamine délurée (qui n'a pas sa langue dans sa poche, on le verra assez vite), et Thao, en principe le futur mâle de la famille, en réalité un adochounet timide et mal dans sa peau qui passe son temps à jardiner (un "travail de fille" chez les Hmongs), à "faire ce que dit sa soeur", et à se faire embêter par son gangster de cousin, qui fait partie d'un gang et voudrait bien que Thao fasse comme lui... Donc, un soir, les gangsters font irruption chez les voisins en essayant de redonner une deuxième chance à Thao (qui a raté la première, où il était chargé de voler la Gran Torino dont nous avons déjà parlé, tentative qui s'est soldée par un échec cuisant) et où la soirée dégénère alors en bagarre rangée avec toute la famille, jusqu'à ce que ces insensés mettent le pied sur la pelouse de Walt, ce qui va le faire sortir illico de ses gonds et de sa baraque, le fusil en joue, et pas content du tout du tout. Il fait fuir les méchants, et, manque de bol, acquiert aussitôt auprès de la communauté un statut de héros, de demi-dieu vivant qu'ils se mettent à couvrir de cadeaux et d'offrandes, ce qui le fait encore plus râler... sans compter que le petit cureton à l'air angélique (qui donne le titre de cette chronique) ne s'avoue pas vaincu et revient sonner à sa porte...
La situation est posée, pas spécialement originale a priori, donc... Un vieux con, une jeune asiatique délurée, son frère un peu jeune et nunuchon, les méchants gansters, le gentil curé, on voit assez bien tout ce que tout ça risquerait de donner... Sauf que pas du tout. Je ne sais pas comment Clint Eastwood nous goupille tout ça, mais on reste scotché sur son siège, les yeux écarquillés, la mâchoire pendante, les larmes aux yeux ou les zygomatiques chatouillés, ça dépend, mais, en tout cas en état de sidération, de fascination... C'est incroyablement bien fait, mais j'aurais du mal à vous expliquer pourquoi.
A cause du personnage, sûrement. Entre ce qu'il est lors de la première scène (un enterrement) et la quasi dernière (un autre enterrement), et la façon dont chacun des autres personnages a grandi. Par le message, aussi, sûrement. Pas du tout violemment réac comme l'état initial du personnage (et la bande-annonce et l'affiche) pouvaient le laissait craindre (ou espérer, pour certains), bien au contraire. Mais c'est vrai qu'au début il charge tellement (et délibérément) que ça en devient très drôle: il se regarde jouer au vieux con et il se moque de lui. Un vivant catalogue des valeurs américaines. Patriotisme, racisme et sectarisme. Arghhh!
Les rapports de Walt avec ses voisins, avec les asiatiques en général, puis avec les deux jeunes, les rapports de Walt avec le curé, les rapports de Walt avec sa propre famille... bref ses rapports au monde, finalement,vont s'infléchir, se gauchir, prendre une direction inattendue pour le vieux machin plein de certitudes rances qu'il était devenu, et le message est clair : "Même si vous êtes un vieux con, ne perdez pas espoir, ça peut toujours changer!"
Et puis, (on se refait pas) j'aime bien les films où on aborde le concept de virilité (rien que le mot est plein de poils et sent l'homme, non ?), bien évidemment dans l'éducation de Thao,  où il serait question d'une certaine moralisation du concept (et ce n'est pas fait du tout pour me déplaire!) mais aussi, tangentiellement, par exemple dans les deux big scènes avec le coiffeur (des scènes que j'ai vraiment trouvées formidables, humainement (et comiquement) parlant).
Etre un homme ça s'apprend, et le sens de l'expression peut varier, entre celui qui a fait la guerre de Corée, celui qui défend sa propriété, celui veut faire partie d'un gang, celui qui veut apaiser sa conscience, celui qui veut se racheter... Eastwood nous donne à la fois une grande leçon d'humanité et une autre, de cinéma. La rigueur et la richesse formelle du matériau filmique s'allient à l'intensité des émotions (je l'ai déjà dit, on est inextricablement pris entre deux feux, entre le rire (entre humour plutôt noir  et distance ironique) et la violente et très riche mélancolie de cet autoportrait.

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28 février 2009

film dans le film dans le film

LE BAL DES ACTRICES
de Maiwenn

Oh la bonne, l'excellente, la délicieuse, la divine surprise! (surtout que je l'ai vue juste après -zzzzzzz- le Chabrol!). J'avais raté son premier (que je n'avais à vrai dire pas trop envie de voir, mais dont les échos plus qu'enthousiastes de ceux qui l'ont vu me l'ont presque fait regretter...) mais celui-là, depuis que j'en ai vu la bande-annonce, j'ai su que je ne le raterais sous aucun prétexte.
Et bien m'en a pris. Je l'ai vu avec mes copines Marie et Véro, et en sortant on a croisé un autre copain (qui venait de voir -zzzzzzz- le Chabrol) et, s'étant étonné de nos mines unanimement réjouies, s'est enquis du film que nous venions de voir et qui provoquait cette douce et béate hilarité. On n'avait rien fumé de psychotrope, non, on avait juste vu Le bal des actrices.
A vrai dire, c'est quand même un drôle de machin. Où l'histoire d'une jeune réalisatrice (Maiwenn herself) qui se fait filmer en train de filmer soi-disant un documentaire sur les actrices (enfin sur des actrices, le panorama n'en étant pas exhaustif, manquent quelques pointures, la plupart de celles qui sont ici semblent être ses copines, et on comprend très tôt qu'on ne verra ni Cécile De F., ni Marion C., ni Audrey T., qui ne semblent pas du tout faire partie des copines en question...), pour en faire un "film", work in progress qu'on est justement en train de voir (on la voit filmer, et on voit ce qu'elle est en train de filmer, il y a  un caméraman qui la filme en train de),  qui est donc en train de se faire, et dont un producteur affirme pourtant, à la fin, qu'il ne sortira jamais. (après L'homme à la caméra, de Dziga vertov, voici La femme à la caméra, par Maiwenn ? L'un filmait une ville russe faite de  plusieurs villes russes, l'autre filme une actrice faite de beaucoup d'actrices... mais bon la seconde est plus rigolote que le premier!)
On est à nouveau -tiens donc- dans la fameuse problématique "entre documentaire et fiction" qui nous fit tant gloser l'année dernière : qu'est-ce qui est vrai/réel et qu'est-ce qui ne l'est pas ? le mélange des genres est assez étourdissant. Chaque actrice joue un personnage qui porte son vrai nom, mais dont on n'est pas trop sûr que ce qu'on lui fait jouer soit véritablement elle.Ou peut-être un peu si quand même ?
Et finalement, on s'en fout, et on se laisse emporter par ce joyeux bordel, gentiment iconoclaste, où on prêche le faux pour savoir le vrai, à moins que ce ne soit le contraire. Où la réalité (du filmage) deviendrait fictionnelle et la fiction (des personnages) presque réelle. un genre d'univers parallèle.
Un peu comme des sales gamines qui joueraient à "on dirait que je serais..." et où, à partir d'un certain point, tous les repères seraient abolis, du sacro-saint réalisme, de la comédie, de l'auto-portrait, de la comédie musicale (pas forcément ce que je préfère mais bon c'est fait avec tellement de conviction que ça passe, alors qu'on serait parfois à un fil du ça casse), de la chronique de couple (ouah la vie de famille de Maïwenn! on aimerait bien avoir le Jojoey Starr à la maison plus souvent, ça met vraiment de l'ambiance, ça mâche pas ses mots, ça ronchonne au pieu, ça éructe joyeusement à l'anniversaire du gamin...), du film de femmes (ohlala elles ont fumé quoi les copines ?), de la sincérité du bidouillage, du reportage animalier sur Nos amis les bêtes du monde merveilleux du cinéma...
Tout y passe,  du cours d'art dramatique (Karole Rocher, la maman dans Stella, y est grandiose face à Christine Boisson, dans une scène où se disent des choses sur le fait d'être une has-been qu'il faut avoir suffisamment de force et de recul pour être capable de les accepter)  au casting (là aussi, Romane Bohrinher est tout de même sur le fil...), des cours de langue à la retraite mystique, de la chirurgie esthétique au saphisme, de l'angoisse de vieillir aux metteurs en scène chiants, enfin, tout tout est joyeusement dynamité concassé pilé mixé dans un  gloubi-boulga qui a l'air d'autant plus bordélique qu'il a été je pense écrit au cordeau. Au rasoir.
Elles sont toutes nickel, parfaites, attachantes touchantes troublantes énervantes aussi parfois dans cette bulle légère qui réussit le prodige d'être à la fois branchouille et popote, sincère et roublarde, profonde et toc, individuelle et universelle, inconséquente et philosophique, inoubliable et vite oubliée, en nous faisant perdre je le disais plus haut tous nos repères habituels de spectateurs formatés.
Oui  vraiment j'ai adoré ça...

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