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lieux communs (et autres fadaises)
30 mai 2015

de la semaine

EVERY THING WILL BE FINE
de Wim Wenders

LE DOS ROUGE
d'Antoine Barraud

Les deux films qu'on programmait cette semaine dans le bôô cinéma. Deux films diamétralement opposés, l'un d'un réalisateur chevronné (comme on pourrait le dire d'une maison, avec des poutres et des chevrons), d'un réalisateur qu'on connait depuis quarante ans, qu'on a beaucoup adoré au début, et dont on s'est progressivement éloigné au fil des années, et l'autre d'un réalisateur parfaitement inconnu au bataillon, et à propos duquel on ne pouvait donc avoir le moindre avis.
Un film qui raconte l'histoire d'un écrivain, et l'autre celle d'un cinéaste. Le premier ne l'est pas vraiment -écrivain- (il est incarné par James Franco, dont je ne suis pas persuadé qu'il soit un immense acteur, et que je préfère lorsqu'il fait l'idiot cul nu dans les champs avec son pote Seth Rogen) le second l'est vraiment -cinéaste- puisqu'il s'agit de Bertrand Bonello, dans son propre rôle, ou presque, et qui ne l'est pas "vraiment", acteur. (Au jeu des comparaisons, si on met côte à côte James Franco et son jeu minimaliste (mais bien peigné) et de l'autre Bertrand Bonnello, avec sa petite tête de poussin  dépeigné, il n'y a pas photo, c'est vers B.B que penche notre coeur).
Dans le premier film il y a aussi Charlotte Gainsbourg qui toujours me touche, (mais que je trouve ici plutôt singulièrement sous-employée) et dans le second Jeanne Balibar que j'adore tout autant (mais qui disparaît beaucoup trop vite à mon goût, dans un genre de clin d'oeil à Cet oscur objet du désir, si je ne m'abuse). Si Charlotte chuchote, Jeanne, elle, vocalise et roucoule et se la joue, nous la joue, d'assez grandiose façon. Balibarissime, comme dirait Hervé.
Le film de Wenders fait un peu moins de deux heures, celui de Barraud un peu plus (de deux heures), et pourtant le premier, en "temps subjectif" semble durer beaucoup plus longtemps que l'autre. Je l'ai trouvé (le film de WW) très mou, académique et sententieux, tandis que celui de Barraud semble toujours sur la brèche, fureteur, inventif (furetif, inventeur), alerte (même s'il semble de temps en temps un peu trop approximatif, mais c'est toujours mieux de tenter, d'expérimenter, que de rester assis sur ses certitudes, non ?).
Dans les deux films la musique a une grande importance. Celle de Wenders est signée Alexandre Desplats (j'ai envie d'écrire "comme un film sur deux désormais"), et, s'il lui arrive parfois d'être sublime (cf celle du générique de fin), on est en droit de la trouver un peu trop omniprésente, asphyxiante, même, parfois. Un beau cadrage, une ample louchée de musique là-dessus, et hop, on se regarde filmer... (tandis que, spectateur, un peu on s'assoupit, zzz...) Chez Barraud, elle est... différente, intriguante, énervante parfois, chatoyante, sautillante (ça dépend des fois) et on s'aperçoit au générique de fin qu'elle est quasi-intégralement signée par... Bertrand Bonnello. et, en parlant de musique, on a en prime celle de la voix-off, follement classe, de Charlotte Rampling.
Un autre signe qui ne trompe pas : je suis à peu près sûr que j'achèterai le dvd du Dos rouge (si un jour il existe!) et que je reverrai le film si je peux, tandis que Every thing... mouais, bof. Ce qui est dommage, dans le film de Wenders c'est qu'il est désespérément lisse : poli, astiqué, sans rien qui dépasse. Rien qui accroche, rien à quoi se raccrocher. C'est magnifiquement filmé (soyons honnête, quand même) mais c'est hélas un peu sans âme, et il faut attendre les dernières scènes (avec le fils de Charlotte) pour que surgisse enfin une belle émotion véritable.
On pourra arguer que Wenders est sérieux (que son sujet est sérieux) et que Barraud pas (forcément), et que ce n'est pas malin de vouloir comparer des choses si différentes : sérieux / pas sérieux. Mais j'ai démarré ce post sur les deux, et je suis bien obligé de le continuer ainsi, à cloche-pied.
Tandis que Barraud crapahute sur des chemins de traverse, nous promène dans divers musées parisiens, nous syndrôme de Stendhalise, cherchant l'objet nodal de son propre film avec le même entêtement que met Bertrand B. à trouver le sujet du sien. (la notion de monstre) Wenders nous déplie les jolis paysages du Canada (le début, dans la neige, est splendide) à différentes saisons, en étiqutant bien ses sauts temporels (deux ans plus tard, quatre ans plus tard...). Le dos rouge, ça part un peu dans tous les sens, mais c'est ça qui fait du bien, les strates temporelles comme les sautes d'humeur, ou les baisses d'énergie, les chansons qui fleurissent tout à coup, le sentiment de work in progress, bref l'énergie étrange (et l'étrangeté énergique, parfois) qui nous fait tendre la main pour nous accrocher au cul du véhicule qui taille la route et courir derrière malgré les cahots.
Avec Barraud, on se sent sollicité, titillé, chatouillé, en tant que spectateur, avec Wenders, hélas, on reste juste en position de. (Wim, Wim, nous nous sommes tant aimés, pourtant...)

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29 mai 2015

grande distribution

LA LOI DU MARCHE
de Stéphane Brizé

La bande-annonce m'avait agacé, "Je ne peux pas croire que Vincent Lindon va vivre avec 500€" m'étais-je dit. Je suis très premier degré, je sais, et il s'agit alors de son personnage (mais bon, n'empêche c'est lui qu'on voit, hein), et j'en étais là de ma (!) réflexion, lorsque je me suis laissé influencer par la lecture d'interviews du même Vincent Lindon (l'acteur, donc), et de Stéphane Brizé (le réalisateur), et de certains échos critiques cannois (peut-être était-ce pour compenser le fait que contrairement à l'ensemble du monde du cinéma, je n'étais pas à Cannes, mais à Paris). J'y suis donc allé (le dernier matin, quand même, le temps de me décider!) et j'en suis sorti plutôt admiratif. Carrément. Lindon est de tous les plans, c'est le seul "vrai" acteur (professionnel) du film, et il est vraiment impressionnant. Autant des fois il ne me convainc pas (récemment dans Journal d'une femme de chambre) autant là il est d'une force et d'une plausibilité qui laissent baba.
C'est l'histoire d'un mec qui galère, une histoire simple, chronologique, rectiligne, que le réalisateur raconte en plans-séquences, en blocs pas toujours consécutifs, laissant des espaces dans la narration comme l'eau entre les pierres posées en travers d'une rivière qu'on devrait traverser. Le réalisateur prend d'autant plus de temps à l'intérieur de chaque plan-séquence qu'il peut ensuite ne pas en accorder du tout à une scène "à faire", une scène qu'on attendait et qui, finalement, s'est déroulée en off, hors du temps du film (et c'est très bien comme ça). Pôle emploi, banquière, entretien d'embauche via skype, session de commentaire de vidéo de demande d'emploi, tout y est. (Le parcours du chômeur est aussi balisé ici que l'était celui du jeune délinquant dans La tête haute, mais l'esprit -et le résultat- sont complètement différents, et le fait d'utiliser des acteurs non-professionnels qui jouent leur propre rôle y est pour beaucoup.)
Après un de ces "sauts de pierre" dont je parlais plus haut, on retrouve notre héros en fonction (et en costard-cravate) : vigile dans un grande surface. Ce sera toute la seconde moitié du film : l'observation au plus près de ce microcosme, de la façon dont les "petites gens" sont pressurées (pas seulement les voleurs de marchandises, mais le personnel même du magasin, fliqué lui aussi par les caméras de surveillance.) Encore une histoire de pouvoir, de politique, et de gros sous. L'exigence du rendement, de la rentabilité. Le même jeu, toujours, du mépris et de la manipulation. De l'asservissement. Une observation clinique d'une situation tristement banale, de la capacité d'encaisser tout ça sans broncher, de faire monter doucement le curseur sur l'échelle de l'indignité jusqu'au point de rupture.
Du cinéma "social", donc, mais avec une approche moins roublarde, moins "glamour" que La tête haute, juste plus sec, plus frontal (et, paradoxalement, plus violent), dans cette volonté d'insérer un unique personnage de "fiction" dans un environnement documentaire (et j'adore toute le partie en caméras de vidéo-surveillance).
Vincent Lindon incarne vraiment ce personnage-là, il est extraordinaire dans cette proximité (familiale et professionnelle), dans cette densité, dans cette justesse (à défaut de justice).
Et la scène finale est à la hauteur du film...

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28 mai 2015

à la française (with english accent)

LES JARDINS DU ROI
d'Alan Rickman

J'avais décidé que non, et finalement le hasard a fait que... M'étant assis par erreur dans la salle voisine, j'ai fini par voir un des films pour lequel j'avais initialement hésité, étonné de voir un générique anglais, curieux de savoir ce qui m'allait être projeté, et prêt à quitter la salle plein d'une vertueuse indignation en cas de bouse.
J'y suis resté jusqu'au bout. Le réalisateur, Alan Rickman, (que je connais depuis longtemps comme acteur, et que je considère avec reconnaissance  pour son rôle dans Truely, madly, deeply, même s'il a joué dans bcp de merdouilles ensuite -oui oui même Harry P. je renage ça dans les merdouilles-) joue aussi dans son film, et s'y est attribué le beau rôle, celui du Roi, au réveil duquel nous assistons, en compagnie de Sa Royale Famille, sauf qu'il ne s'agit pas d'un quelconque english king, mais de nôtre cher Louis XIV à nous. Qui parle donc anglais. Ainsi que l'ensemble de la cour et des courtisans, qui ont tout de même des noms français, qu'il prononcent à l'anglaise, et que rien que ça est plaisant. Kate Winslet est jardinière, française elle-aussi (Mme de Barra), et elle va recontrer Monsieur Le Nôtre lors d'un entretien d'embauche /appel d'offres pour les futurs jardins de Versailles,(Le Nôtre qui est joué par Matthias Schoenearts (BullHead), qui, passé la surprise initiale, porte plutôt bien le cheveu long et le pourpoint brodé).
C'est très well reconstitued, (costumes, perruques, carrosses, laquais, courbettes, intrigues de Cour, jalousies, complots) et suffisamment bien fait pour qu'on trouve ça aussi pittoresque que les gravures colorées qui illustraient nos livres d'histoire à l'école primaire, et qu'on ne s'y ennuie pas... Avec en prime un Stanley Tucci délicieux en Comte (ou Marquis, je ne sais plus) bisexuel (ça n'a aucune importance dans l'intrigue, mais c'est plaisant). On savait depuis le début comment tout ça allait se terminer, et il n'était donc pas indispensable de lester le récit du pathos veuvagesque (et lourdaudement insistant) de Mme de Barra. Le jardin mené à terme, les roucoulades dans l'alcôve, la cérémonie officielle d'inauguration en grande pompe (avec en prime un discours féministe -pour l'époque- où il est question de femmes et de roses). Le roi s'amuse, et visiblement, Alan Rickman aussi, des deux côtés de la caméra.

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27 mai 2015

nard

11h : HISTOIRE DE JUDAS
de Rabah Ameur-Zaïmèche

On le passe dans le bôô cinéma dans 15 jours, mais je n'ai évidemment pas pu attendre. Il y a quelques cinéastes, comme ça,  avec lesquels (pour lesquels) il est impossible d'attendre. C'est très curieux : j'étais, dès le début (pourtant dans cette vieille salle moche du MK2 Beaubourg), comme en hyperventilation émotionnelle, avec les larmes qui me venaient quasiment, alors qu'il n'y avait encore à l'écran que des lettres blanches sur fond noir. Je ne suis pas croyant, pas du tout, mais, avec RAZ, je me sens prêt à devenir mystique... Un cinéma de peu (de moyens) aux effets inversement proportionnels, un cinéma de l'économie, un cinéma de la simplicité, un cinéma de la famille aussi (essayez de compter le nombre de Ameur-Zaîmèche qui figurent au générique de fin), un cinéma du partage, du don. Un cinéma essentiel, à la fois contemplatif (la durée, la lumière) et revendicatif (l'insurrection qui vient). Politique et poétique. Un cinéma avec lequel je me sens complètement en phase.
Le Judas du titre est bien celui auquel on pense (la Bible, les trente deniers, la trahison...), c'est RAZ qui l'interprète (et ce mec, c'est comme ça, je l'aime aussi fort en tant qu'acteur que réalisateur), et en profite pour (re)définir le personnage à sa façon. Judas n'est pas le traître mais le fidèle, "le" disciple, l'homme de confiance. (Il a l'air doux, comme ça, dans ses mots et dans son attitude mais on le sent tout aussi fort, résistant, le genre plie mais ne rompt pas). Et son film est pareil : simplement, doucement, sans esbrouffe, il nous remet à l'heure de ses propres pendules. Il casse (au sens propre) les écritures qui relatent les aventures du prophète (ah si J avait eu un Faceb**k et un ordi) et braque ses propres projos sur l'histoire pour nous donner son éclairage perso (et superbe, je l'ai déjà dit). Iconoclaste! postillonneront certains, blasphématoire! éructeront d'autres et j'en passe d'autres et des meilleures sous silence.
Le film commence quand Judas part dans la montagne pour récupérer Jésus qui vient de jeûner quarante jours, et le redescend sur son dos. On suit  l'histoire de Jésus (sa dernière partie), et donc, on reconnaît au passage (on se souvient de) quelques épisodes bibliques (les marchands chassés du temple, par exemple). On suit, parallèlement, les inquiétudes "politiques" des Romains et celles,  "religieuses" des grands-prêtres, (chacun craignant de perdre qui la face qui son pouvoir face à celui qu'on dit s'être proclamé roi des Juifs), tandis  qu'apparaît dans le récit un personnage dénommé Carabas (qui, je pense fait référence à Barabbas, mais me fait immanquablement penser au Chat Botté et à son fameux Marquis du même nom), une version dépenaillée de Jésus, un dissident, un soiffard, une grande gueule.
Je ne devrais peut-être pas le dire, mais Jésus, dans le film, je le trouve vraiment très mimi, -RAZ l'a fait interpréter par un réalisateur algérien, Nabil Djedouani- mais bon, les apôtres aussi. On irait bien marcher avec eux.  Encore une fois, toute cette histoire est tirée du côté de l'humain, du terrestre, du charnel, tournée dans de vraies ruines et avec des lumières d'une beauté époustouflante (intérieures ou extérieures).
J'aime cet esprit de quintessence, de "au plus près de", cette folle liberté que donne la simplicité, l'humilité, des choix. Cette façon attentive de scruter l'humanité, la proximité des êtres, la façon dont ils se touchent, simplement. Des mots, des mouvements, des actions simples. Une stylisation qui rend encore plus fort tout ce qui se joue, avec cette façon plus qu'habile d'éviter la lourdingue imagerie habituelle de ces habituelles superproductions biblico-péplumesques à milliers de figurants, d'épurer, de ne jamais appesantir le trait (rien que le fait, ça fait d'autant plus du bien,  que ce soient des arabes qui jouent des juifs, est une façon du film de délivrer son message entre les lignes, derrière les images, un parfum délicat de quand les hommes vivront d'amour...
J'aime sa façon d'aimer ses personnages, ce Jésus-ci, ce Judas-là, l'angle d'approche, le parallèle entre les deux personnages. Et le contrepoint des romains, des soldats (ceux des personnages qui sont le plus visiblement "costumés", casques, armures, contre les simples tissus dons sont revêtus les autres personnages.), les mots d'Antigone (d'Anouilh) pour résumer : "ça n'est qu'une histoire de politique..."
Me reste, tout à la fin,  une scène, sublime, où Judas vient s'allonger dans le tombeau vide, prendre la place de celui qui n'est plus là. Juste un rectangle au centre de l'écran, un simple éclairage, et renaissait alors devant moi une des vidéos de Bill Viola qui m'avait le plus impressioné -celle qui est sur l'affiche d'ailleurs-, puis les pas de celui qui marche dans les buissons, dont on finit par entrevoir le visage. Et le plaisir de retrouver pendant le générique de fin la guitare de Rodolphe Burger (Non seulement RAZ a du goût, mais il est fidèle en amitié.) C'est bouleversant, c'est magnifique.

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26 mai 2015

au galop

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DEAR WHITE PEOPLE
de Justin Simien

Une comédie "SpikeLeeesque", qui, pour l'apprécier pleinement, implique qu'on soit a) américain, b) étudiant, et c) accessoirement, black. (si vous n'êtes aucun des trois, il faudra être attentif). Le portrait croisé de plusieurs étudiant(e)s (black or white or métis, avec toute la gamme chromatique des épidermes certes mais des sentiments y afférant) qui dorment dans certaines résidences et/ou mangent dans d'autres, se rencontrent, se cherchent, s'aiment, se détestent, se battent, se jalousent, se disputent, se méprennent, se réconcilient, deux d'entre eux ayant aussi la particularité d'être chacun le fils d'un des "doyens" (un black, et l'autre white). Un personnage gay et black (celui qui est sur l'affiche, avec une coupe afro) sert un peu de fil blanc (!) entre chacune des chicanes. un film agréable, qui prête à sourire, voire même à éclater de rire (ils ne mâchent pas leurs mots).

 

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LE LABYRINTHE DU SILENCE
de  Giulio Ricciarelli

Contrairement aux apparences, un film allemand. En allemand. Qui raconte l'histoire d'un jeune procureur -allemand- au début des années 60, qui se trouve, de fil en aiguille, amené à organiser le procès de tous les SS qui sont intervenus à Auschwitz. Un film judiciare, un film de procès (enfin, qui s'arrête juste à l'ouverture des portes le jour du procès en question), un film d'époque aussi (cette époque particulière où la jeune génération ignore complètement ce que l'autre (la "vieille" génération) tente de toutes ses forces d'oublier, de faire désespérément comme si rien ne s'était passé, entre 1939 et 1945), avec en filigrane une histoire d'amour (très joliment représentée à la fin comme une veste déchirée). Un film qui sait éviter le voyeurisme malsain (toujours périlleux lorsqu'on évoque la Shoah au cinéma) mais est malheureusement souvent un peu submergé par sa musique mélodramatique un peu chargée.

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BEYOND CLUELESS
de Charlie Lyne

J'étais tout seul dans la salle, au Lucernaire. Un film que j'avais vraiment envie de voir. Un documentaire sur les teen-movies (un genre spécifiquement américain), dont la réalisation a nécessité le visionnage de près de 300 des films en question. Plusieurs chapitres et un épilogue, chacun sur un thème précis (plus ou moins explicite dans son titre), avec la même démarche à chaque fois : on raconte en ouverture la trame d'un film précis (qui est nommé), et on y adjoint beaucoup d'extraits de beaucoup de films qui parlent de la même chose (parfois juste quelques images) (mais tous seront finalement nommés dans le très long générique de fin.) Curieux, sympathique, mais...

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BLIND
de Eskil Vogt

Surprenant. un film où on ne sait jamais exactement de quoi il retourne. Une dame aveugle (une dame qui est devenue aveugle) reste dans on appartement. Un monsieur un peu fort avec une queue de cheval observe la voisine d'en face. Peut-être que la dame aveugle habite avec lui. Ah non, elle habite avec un autre monsieur. Qui a peut-être une maîtresse. Qui est peut-être la voisine d'en face. Qui devient peut-être aveugle. A moins que... Labyrinthique,  Blind l'est, et se complexifie de plus en plus au fil de sa progression. Histoire(s) rêvées, souvenues, imaginées, racontées. Ou bien... ou bien... jusqu'à ce que, à un certain moment, le réalisateur nous laisse en plan. comme s'il avait tellement emberlificoté tous ses fils narratifs qu'il ne sait plus trop où aller. Et qu'il tranche. Couic! "Film pour public averti" dirait Pépin (quelques scènes de pénétrations furtives sur internet) mais pas de quoi fouetter un aveugle un chat. Regret que, finalement, la cécité ne soit ici pas grand-chose de plus qu'un gimmick (ai repensé à Double vue , de Mark Peploe, sur un thème -un peu- voisin, avec Fanny Ardant en mère aveugle).

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TROIS SOUVENIRS DE MA JEUNESSE
d'Arnaud Desplechin

Vu dans la 6 de l'UGC Les Halles, que je n'aime pas car elle est très pentue. Vertige. C'est un peu le sentiment que procure le film, mais surtout plutôt Desplechin, pour qui j'éprouve des sentiments mélangés depuis que j'ai fini par lire Mauvais génie où Marianne Denicourt épanche toute la bile qu'elle peut ressentir à son égard. je ne peux m'empêcher de repenser -et de retrouver- l'Arnold Duplancher qu'elle y évoque. Gros battage médiatico-cinéphilique (je parle du film), unanimité laudative critique, trompettes, couronnes de lauriers, courbettes, applaudissements. J'y suis allé dès que possible. Récit en trois parties et un épilogue (comme le fait remarquer Arnaud D. la première évoque La vie des morts, la seconde La sentinelle, et la troisième Comment je me suis disputé...) on est donc en terrain connu. Le petit jeune qui joue Paul Dédalus (donc, Mathieu Amalric jeune) est impeccablement bien, idem pour la jeunette qui est la jeune Emmanuelle Devos. Mais tous les autres aussi... La dernière partie, est, toutefois, un peu longuette...

 

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L'ARMEE DES OMBRES
de Jean-Pierre Melville

Une belle surprise, une resortie en copie neuve (impeccable!) de ce film que je pensais avoir déjà vu 356 à la télé, mais non, rien du tout, j'ai du juste rajouter une unité à chaque fois qu'il était programmé, mais je ne l'avais jamais vu. On ressort ces temps-ci du Melville à foison. Celui-là vaut vraiment le déplacement (et le mouillage d'yeux). Centré autour de Lino Ventura (comme diraient Libé ou les irocks, "au-delà des superlatifs" tellement il est bien), une, ou plutôt des histoire(s) de la Résistance : Simone Signoret, Jean-Pierre Cassel , Christian Barbier (L'homme du Picardie, par la suite, ce fut lui), Paul Crauchet, Paul Meurisse, Claude Mann... Du beau monde, indiscutablement, c'est prestigieux, c'est impérial. Presque 2h30 qui filent à toute berzingue : opérations clandestines, arrestations, sauvetages, tortures, trahisons, solidarité, amitié virile... le grand jeu. Et j'y ai découvert que c'était de là que venait la musique des Dossiers de l'écran (Tsink! Pom Tsink! Pom Lilalilalallala... pour les plus vieux d'entre nous...). Inratable (comme dirait Hervé).

 

25 mai 2015

colle forte

GOOD NIGHT MOMMY
de Veronika Franz & Severin Fiala


Un film qui sortait ce mercredi mais ne passe qu'au Luminor Hôtel de ville (anciennement mon Latina chéri-chéri)... Un film autrichien bicéphale. (Ah, ces autrichiens... Que ce soit en littérature ou en cinéma, ils sont toujours aussi chaleureux, aussi expansifs, aussi doués nous déverrouiller les zygomatiques, hein... ) Un film "d'horreur"(?) (les guillemets et le point d'interrogation sont de rigueur), un film qui impressionne. Un film à trois personnages, quasiment : une mère et ses deux enfants, deux jumeaux, blondinets, plein de vie, sauf que... (Bon je ne vais pas vendre la mèche, mais pour qui va un peu au cinéma, les histoires de jumeaux avec un des deux pas gentil, depuis L'AUTRE, de Robert Mulligan, en 70 et quelques, on sait un peu à quoi s'en tenir, et il semble d'ailleurs que les réalisateurs insistent dès le début -deux scènes identiques où l'un appelle l'autre, d'abord dans la grotte très noire, ensuite sur le lac...-) Ils attendent donc leur maman, qui revient de la clinique le visage entouré de bandages, et voilà qu'ils ne la reconnaissent pas, et commencent à se poser des questions...
C'est très bien filmé, froid, puis glacé, puis glaçant. La mise en route est lente, délibérément. Les enfants qui jouent dans la nature (les champs de maïs c'est toujours aussi cinégénique qu'anxiogène). Puis le retour de la mère ouvre une seconde phase plus claustrophobe, puisqu'on ne sort quasiment plus de cette -très belle- maison, décorée avec goût (où, tiens, les photos de la mère qui décorent les murs sont toutes floues...). Dehors, dedans, portes qu'on ferme à clé, et l'angoisse qui monte sourdement. De part et d'autre. Au fur et à mesure que le film part de plus en plus en biais (les gros insectes dégueulasses, le chat mort, les cauchemars).
Les vingt dernières minutes m'ont fait me recroqueviller sur mon siège et me cacher les yeux, comme devant AUDITION de Takaashi Mike... Une surenchère de violence, où on nous pousse impitoyablement de marche en marche.Les réalisateurs jouent avec nos nerfs (les quêteurs de la croix-Rouge) et en rajoutent une louche de trop dans la complaisance sadique, jusqu'à un final presque'aussi dommage que celui de SUSPIRIA. C'est quasiment insupportable, d'autant plus qu'on ne l'a pas vraiment vu venir). On n'était pas obligé d'en arriver là, dommage. Et la toute dernière séquence clôt (suspend) ironiquement le débat sur cette image fixe avec regard caméra qui  nous sourit d'un air faussement candide,"photo de famille" si paisible.... (si autrichienne ?)

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24 mai 2015

cocotte-minute

LES TERRASSES
de Merzak Allouache

Sur celle d'Ettore Scola (La terrasse), on revenait sans cesse au même moment de la même soirée, après avoir suivi l'histoire de chacun des personnages. Chez Allouache, il y en a plusieurs, chacune avec ses histoires, qu'on va suivre au cours d'une seule journée, rythmée par la succession des cinq prières quotidiennes qui la découpent comme autant de chapitres. Alger, aujourd'hui. Un homme d'affaires qui fait torturer un homme par ses sbires pour obtenir une signature, une vieillard enchaîné dans une cabane qui dialogue avec sa petite fille, un groupe qui répète de la musique sous les yeux d'une silencieuse observatrice, une équipe de cinéma qui prépare un tournage, un homme qui rentabilise "sa" terrasse en la louant à divers intervenants, une famille composite sur le point d'être expulsée... On va les suivre, en alternance, tout au long des ces vingt-quatre heures. Il y sera -souvent- question de violence (conjugale, sociétale, familiale), de religion (et surtout des accommodements que chacun peut y apporter), de complicité parfois, d'amour quelquefois aussi. 
Les choses ne sont (heureusement ou malheureusement, ça dépendra des histoires) pas toujours ce qu'elles ont l'air d'être, et certaines de ces histoires n'auront pas forcément l'issue qu'on aurait espéré -qu'on aurait craint-, mais cet éventaire de la multiplicité des sentiments humains (l'amour, la colère, la convoitise, l'indifférence, la jalousie, l'hypocrisie) et des effets qu'ils produisent (à moins que ce ne soit l'inverse), s'il est plutôt bien achalandé, a le mérite de tenter de nous présenter une vue "globale", comme on harmoniserait les goûts et les couleurs au moment de cuisiner (cette métaphore culinaire est un peu naze, mais c'est la seule qui m'est venue pour terminer cette phrase qui restait là,  sans terme, désespérément, comme avec une patte en l'air.) Même si dans la gamme chromatique desdits sentiments c'est le rouge qui domine (les hommes ne changeront jamais).

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19 mai 2015

de bruit et de fureur

LA TÊTE HAUTE
d'Emmanuelle Bercot

Un ado tête à claques sujet à des accès de violence et ses rapports fusionnels avec sa mère immature, tiens tiens on a déjà eu ça l'année dernière, non ?,  avec Mommy de X. Dolan (que j'ai mis du temps à voir mais que j'ai vu quand même.) Là j'ai préféré y aller le plus tôt possible pour que la même chose ne se reproduise pas. Des inconvénients de la surmédiatisation. Le film d'Emmanuelle Bercot (dont j'ai adoré le Elle s'en va, même si vu très tardivement) vient d'en faire les frais. Parce qu'il faisait l'ouverture du Festiwal de Cccânnes, parce que Catherine Deneuve, parce que jeune prodige, parce que choix audacieux pour ce genre de film en ouverture parce que parce etc.
C'est quoi ce "genre de film" ? L'histoire d'un gamin de 7 à 17 ans, un gamin qui est "mal parti dans la vie" (dès la première scène), et qui va affronter successivement  les acronymes de tous les services sociaux, juridiques, pénaux, éducatifs, ou presque, grâce à l'entêtement d'une juge pour enfants maternelle et et compréhensive (Catherine Deneuve, qui a fait quelque chose à ses sourcils) et d'un éducateur aussi cabossé (là je ne pouvais pas échapper à cet épithète) qu'entêté (Benoît Magimel, les cheveux en pétard), qui veulent toujours continuer à espérer, sans fin, avec obstination, au fil des ans, et pourtant il y aurait largement de quoi baisser les bras et lâcher l'affaire. La mère immature est (un peu sur-)jouée par Sara Forestier, et le jeune homme souvent énervé par Rod Paradot, dont c'est le premier rôle et qui est effectivement phénoménal. Tout le monde l'a dit et s'en est extasié, mais c'est vrai. Vraiment vrai. Que ce soit lors de ses accès récurrents de violence (qui surviennent à un rythme quasi métronomique), lors des moments "normaux" ou ceux de calme (ou d'abandon) il est d'une justesse et d'une force qui laissent admiratif.
Un survol des différentes mesures de prévention, de suivi, et de (punition ?), centré autour d'un jeune homme très énervant (autant que très attachant). Heureusement, on ne joue pas exactement sur le même terrain que Mommy (là, en gros, la mère et le fils ne se voient que dans le bureau de la Juge ou ceux des instances socio-éducatives -ou pénitentiaires-). Mais tous les deux restent toujours en contact, tant le lien qui les unit est fort (on dirait un film écrit par un éducateur, quand même, non ?), et même "trop" fort (plus ça va et plus la réalisatrice insiste là-dessus). Je connais peu les juges pour enfants, alors je me garderai bien de juger, mais, hmmm, toute cette compassion, cet attachement, ça n'est quand même pas un peu roudoudou et chamallow ? C'est en cela que tout ça m'a quand même un peu gêné (avec en plus comme dit Marie, "un peu l'impression d'être au boulot", tellement certains de ces acronymes (AEMO, notamment) tintaient réalistement à mes oreilles.) Et que le clou est bien bien enfoncé, que le concept de "famille" ou de foyer est visiblement importantissime aux yeux de chacun (et semble rester la panacée, cf le passage de relais final qui me paraît tout de même un peu honteusement crapoteux).
Contrairement à Polisse (dont elle a co-écrit le scénario et dans lequel elle jouait) où la nécessité d'un "regard extérieur" (celui, doublement, de Maïwenn, en tant que personnage et en tant que réalisatrice) permettait justement de prendre une imperceptible distance par rapport aux choses parfois effroyables du récit ("Oui, c'est du cinéma"), Emmanuelle Bercot se focalise  ici juste sur Malony, et son environnement proche, sur cet unique (j'avais écrit inique) parcours, mais de très près, comme vu de l'intérieur. Sans filtre. Apparemment sans recul ni enjolivures ni effets de matière filmique. Brut. Les faits, les décisions de justice, les placements. Rien que. Et un gamin qui tente de s'en démerder (pas de s'en sortir ou de s'y insérer, il nous est montré à plusieurs reprises comme suffisamment intelligent et roublard pour être -un certain temps- capable de "jouer le jeu", d'être conforme à l'image qu'on attend de lui, d'être acteur -la réalisatrice le fait même s'en vanter ouvertement "je suis un bon acteur..."-) Cinéma social, humain (humaniste ?). Ok. Mais il y a quand même un contraste, un hiatus, un effet de friction, entre le parti-pris du film, ses intentions, et, par exemple, la présence -très forte- de Catherine Deneuve, le battage médiatique, la montée des marches, etc.
Pour parler franchement, ce cinéma-là n'est pas celui qui me convient. L'angle "sociétal", humanitaire, la bonne conscience, la curiosité (oh que ces pauvres sont pittoresques, diantre que ces manants ont de drôles de manières, ciel qu'ils s'expriment de blasphématoire façon) pourraient presque virer malsain, voire obscène. La composition de Sara Forestier irait d'ailleurs dans ce sens. Rosetta, le film, de la même façon, ne m'avait pas convaincu (et pourtant, elle avait, elle (le personnage), à la fois un background et un but qui justifiaient son attitude, et légitimaient la façon de la filmer. Notre Rosetton, là, est moins bien servi scénaristiquement, juste comme un instamatic mental (deux positions : soleil et nuage) et, si le personnage devient à la longue moins intéressant, le jeune acteur qui l'incarne est, je le répète, toujours passionnant.

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18 mai 2015

un américain à paris

MY OLD LADY
d'Israël Horowitz

Je suis allé voir ce film sur les noms de Kevin Kline et de Maggie Smith, et la promesse d'une comédie, je n'en savais même pas le nom du réalisateur (que j'ai confondu avec le Vladimir du même nom, m'étonnant qu'un pianiste passe à la réalisation, mais lorsqu'on lit les petits caractères du générique on comprend qu'il a adapté pour l'écran sa propre pièce de théâtre, et qu'il produit aussi le film... -et, j'ai vérifié en rentrant, le pianiste homonyme est mort depuis des lustres-)
J'ai trouvé sympathique de découvrir qu'il y avait, en plus, Kristin Scott-Thomas (qui est une actrice que j'ai toujours beaucoup aimée), et même Domnique Pinon, et Stéphane Freiss, et, encore une louchette, Noémie Lvosky... Un américain débarque à Paris pour prendre possession de l'hôtel particulier dans le Marais (avec jardin) dont il vient d'hériter de son père, avec l'intention de le vendre rapidement et de repartir idem, sauf qu'il découvre qu'il est habité par une vieille dame anglaise à qui son père l'a vendu en viager... Qui plus est cette dame, qui fut la maîtresse du père de l'américain, vit là avec sa fille.
Ca commence comme une fantaisie immobilière, ça continue en flânerie parisienne, ça fluctue comédie bilingue -les anglicisants parlent un peu en français, les français parlotent en anglais (ils prennent d'ailleurs des cours)- puis ça dévie en comédie sentimentale, avant de passer à des choses plus graves (un peu le genre de ce qu'on se disait devant un feu de cheminée entre frère et soeur, mari et femme, épouse et belle-soeur, dans le Winter sleep de Nuri Bilge Ceylan), puis  de faire un peu du sur-place cinématographique (il y a un moment, oui, où tout retombe un peu, où on est peut-être un peu fatigué, où on s'ennuierait presque un peu) avant que de se terminer, grosso modo  et pas trop tristement, comme on avait escompté que ça se terminerait depuis un bon moment...
On l'a vu juste après Une femme iranienne, et pour ce film aussi, on peut s'estimer encore une fois avoir été grugé sur la marchandise  (et comme a dit Dominique "il y a toujours un problème avec les films adaptés d'une pièce de théâtre...") Si Maggie Smith et Kristin Scott-Thomas restent égales à elles-mêmes (délicieuses), Kevin Kline (qui a très bien vieilli) quant à lui est vraiment meilleur dans les scènes d'émotion, où il sait rester sobre, contrairement celles où il ne l'est pas, justement, (sobre).

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17 mai 2015

taxi(e) téhéran

UNE FEMME IRANIENNE
de Negar Azarbayjani

Hormis l'affiche (qui connote tout de même furieusement celles des films d'Ashgar Farhadi, avec ses 3 bandes photographiques) et la bande-annonce (vue une fois), je n'en savais absolument rien (ah si : que le distributeur en était Outplay, qui est pour moi plutôt et strictement associé aux films LGBT, ce qui m'étonnait un peu, du genre "ah ils ont élargi leur créneau..." mais bon). Je m'attendais donc à voir l'histoire d'une dame dont le mari est en prison et qui doit faire clandestinement le taxi pour pouvoir rembourser les traites du crédit de la voiture, ce qu'est tout à fait le début du film.
Taxi, Téhéran, je vous vois venir... Panahi aurait-il fait des émules (et donc, ici, une Panahette ?) Non non, pas du tout, parce que, d'abord, ce film-ci a été fait quelques années avant (peut-être la délicatitude de son sujet n'a pas incité un distributeur français a prendre le risque plus tôt ? heureusement, Outplay était là, applaudissons encore une fois leur initiative, de toute façon, je les adore) Rien à voir donc, puisque la dame dans le taxi va, assez vite, prendre à son bord une autre dame, qu'on a croisée déjà quelques scènes avant, dont on sait qu'elle s'est fait arrêter par les flics iraniens parce qu'elle conduisait la voiture de son frère en se faisant passer pour lui, que son père en colère est venue la chercher au commissariat, et qu'il souhaite la marier rapidement et contre son gré (là je me frottais les mains... "ah, je me disais bien quand même, si c'est Outplay, il y a forcément du LGBT dans l'air...")
Figurez-vous qu'il y a du I. I comme Intersexuel. (Il faudrait que je me renseigne sur la différence entre intersexuel et transexuel : un début de réponse ). S'il est question d'une histoire d'amour entre femmes (ce qui, a priori, en Iran, ne doit pas déjà être la plus simple des situations), elle est compliquée par le fait que l'une des deux se sent homme à l'intérieur, et voudrait donc faire le traitement et l'opération qui lui permettraient de matérialiser son genre (ce qui, surprise, est beaucoup plus facile en Iran que je n'aurais cru, puisque non seulement la situation est prévue, depuis Khomeyni, mais que le gouvernement facilite même les choses en mettant en place des prêts pour les candidat(e)s à l'opération afin de faciliter les choses...), traitement auquel son père est farouchement opposé. Obstinément, même.
L'histoire entre la dame mariée et son mari en prison (il est adorable et n'a rien fait de mal) va donc passer provisoirement au second plan, tandis que le film va s'attacher à ce qui se passe entre la dame mariée et sa passagère (mais non non vous n'y êtes pas du tout, ce n'est pas entre elles deux l'histoire d'amour), de quelle façon leurs rapports évoluent (d'abord méfiance, incompréhension, rejet (j'avais écrit regrets) puis rapprochement, dialogue, compréhension... Chacun(e) à son tour venant à l'aide de l'autre à sa façon. La quasi-sècheresse documentaire du début vient s'humecter d'une touche de mélodrame.
C'est un film généreux, touchant, sincère, solide, qui parle de l'Iran d'aujourd'hui, mais ce n'est en aucun cas "aux limites de la cocasserie" comme on a pu le lire sur une des critiques affichées à l'entrée du cinéma. (Je pense que le journaliste en question a du voir au maximum les quinze premières minutes du film, et encore, je ne vois pas vraiment ce qu'elles contiennent de cocasse, - ou alors si peut-être, quand la passagère (Adineh/Eddy) va aux toilettes des garçons ? ce qui n'est tout de même pas le summum de la désopilance-).
Un film de femmes (je viens d'apprendre que le réalisateur est une réalisatrice), où, pour une fois, ce ne sont pas les mâles qui agissent -ou se donnent les moyens d'agir- (le mari est en prison, le père est borné, le frère est un dégonflé) ce qui est encore plus original pour un film iranien, mais où ce sont les femmes qui agissent, qui prennent les choses en main, qui font avancer l'histoire (celle du film, hein, avant, on l'espère, de pouvoir un jour faire la même chose avec celle avec un grand H, d'Histoire). un pays où il vaut mieux changer de sexe que d'aimer son prochain comme soi-même (pour parler au sens biblique du terme). Rappelons qu'en Iran l'homosexualité est passible de la peine de mort.
Le film finit comme il a commencé, avec une jolie (et tendre) conversation entre mari et femme, où il est question de thé, de sucre et de cardamome, sauf que les circonstances sont alors très différentes.
Petite(s) précision(s) cinéphile(s) : Shayeteh Irani, qui joue Adineh, tenait le rôle principal dans Hors-jeu de Panahi, et c'était Homayoum Ershadi, qui joue le père, qui conduisait la voiture (et le rôle principal) du Goût de la cerise, de Kiarostami.
Et on peut donc, encore une fois, applaudir Outplay pour cette initiative.
(je viens de fouiller un peu sur le ouaibe, et il se trouve que pas mal de gens (de confession LGBT) ronchonnent sur les choix d'Outplay concernant le changement de titre (le titre original était Facing Mirrors, qu'on peut traduire littéralement par faire face aux miroirs), les approximations de sous-titres (masculin/féminin) arguant que le personnage d'Adineh n'est pas une lesbienne mais un mec trans, bref, ce qui est décrit comme les problèmes d'identité et de genrage*, sujet sur lequel je m'avoue assez mal documenté, au point d'avoir visiblement tout faux dans ce post, où je m'obstine -je viens de le relire- à roucouler à propos "des femmes" et que je devrais peut-être donc entièrement réécrire, mais non. Adineh est joué par une actrice, non ? Je m'en tiens là, et foin des querelles de chapelles.)

* un post très argumenté

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l'affiche du film

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...et trois affiches de films de Farhadi... Troublant, non ?

 

 

 

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